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2-   Les propositions de maquillage de la continuité

2-1- A propos de la transition politique sans renversement du régime

Devant le désastre et le chantier de ruines, des propositions de sortie de l’impasse sont avancées. Roger Ahoyo se place d’emblée dans le cadre de l’issue de la prochaine élection présidentielle. Après avoir montré que « nous nous retrouvons, dix ans plus tard, gros jean comme devant, face à un champ de ruines », et répondant à que faire, il dit : « le prochain président doit opter pour un programme de reconstruction nationale ». Autour de ce président, « nous devons organiser un large rassemblement » avec des Assises nationales. « Je vois le prochain président comme un Homme de transition devant mettre en œuvre un grand programme de redressement ; et c’est l’organisation d’Assises nationales qui doit lui permettre - d’accepter de mettre en œuvre un programme national et consensuel, - de constituer une équipe nationale pour l’aider à mettre en œuvre ce programme»…« A la différence de la Conférence nationale, elles (les assises) ne prendront pas des décisions exécutoires ; mais elles proposeront, à un président déjà élu, des éléments pour compléter son programme minimum pour en faire un Programme de redressement National (PRN) ». (Op.cit.) Par ailleurs, Roger Ahoyo a fait des propositions entrant dans le cadre de ce programme minimum.

Disons-le tout de go, du moment que les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient, naturellement tous les candidats accepteront de bonne grâce toutes les propositions qui leur permettront de caresser les populations dans le sens du poil et de les mystifier. Les auteurs des propositions pourraient être cooptés dans l’équipe du président élu pour leur aptitude à mystifier les masses. Tel est d’ailleurs l’un des objectifs donnés à ces assises par Roger Ahoyo, « constituer une équipe pour aider à mettre en œuvre son programme », autrement dit, offrir ses services de courtisan au nouveau président. Mais, si l’on est sérieux et soucieux du sort du peuple, avant de faire des propositions, il faut s’assurer que l’on a affaire à un président qui peut écouter la voix du peuple, sur lequel les travailleurs et le peuple ont un contrôle. Combien de colloques, combien de forums proposant des décisions non exécutoires sur tels et tels sujets ont eu lieu depuis le renouveau démocratique et surtout depuis le pouvoir criminel de Yayi Boni ? Parler d’Assises avec des décisions non exécutoires avec un président élu par un scrutin truqué par la distribution de l’argent et la fraude revient à proposer de passer de la chaux sur un édifice lézardé et en ruines.

Aujourd’hui, comme Roger Ahoyo et d’autres, tous les candidats autres que Lionel Zinsou, parlent de transition. Me Abraham Zinzindohoué dit « Pour moi, le prochain mandat est un mandat de transition » («La Croix du Bénin» n° 1324 du 20 novembre 2015). Mais qu’est-ce que c’est une transition politique. Dans quelles conditions intervient-elle ?

Notre ancien garde des sceaux et ancien président de la Cour suprême ne nous en dit rien. Or, une transition politique est un régime d’exception qui intervient après la négation du système politique antérieur et qui permet le passage à un régime politique nouveau. Roger Ahoyo donne les exemples des Assises qui ont donné des forces à des transitions politiques. Il s’agit des commissions pour la rédaction et l’adoption de la Politique Nouvelle d’Indépendance Nationale en 1972 ainsi que la Conférence des Forces vives de la nation de février 1990. Mais, il oublie de signaler et de mettre en relief les conditions de la tenue de telles assises. Dans les deux cas, il y a eu un acte fondateur, un acte de négation et de rupture brusque d’avec le pouvoir constitutionnel antérieur. En langage constitutionnel, il s’agit d’un Etat de fait. En 1972, un coup d’Etat a mis fin au pouvoir du Conseil présidentiel ; en 1990, des mouvements populaires culminant le 11 décembre 1989 ont renversé le pouvoir autocratique de PRPB-Kérékou. Ce sont ces événements de rupture politique qui ont inauguré ces transitions. A contrario, l’assemblée générale des cadres convoquée par Kérékou en 1979 et les nombreux autres forums sous Kérékou-2 (la conférence économique de 1996 entre autres) et sous Boni Yayi n’ont rien donné de nouveau, parce que se déroulant dans le cadre du système en place et sous la direction du Président déjà élu dans le cadre de ce système. Parler de transition politique sans au préalable une remise en cause, un renversement du régime en place revient à couvrir de vernis la continuité de ce régime. C’est une pure tromperie.

Ensuite, une transition politique dure un an, deux ans au plus ; puisqu’il s’agit d’un régime d’exception. Elle dure le temps de poser les fondements d’un nouveau régime et d’élaborer une nouvelle Constitution sur ces bases. Instaurer, comme on le voit déclamer par certains candidats, une transition pendant cinq ans, parler d’un mandat (quinquennal) de transition reviendrait à instaurer un régime d’exception pendant cinq ans. Cela correspondrait bien à un Etat de type fasciste.

Dans le même ordre d’idée de la transition, dans une déclaration le dimanche 8 novembre 2015 sur «Radio Soleil», Albert Tévoédjrè parle d’un gouvernement de salut public. « Pour gouverner le Bénin dès 2016, il faut un gouvernement de salut public ». Nous disons là également que sans rupture, sans révolution, il ne peut y avoir un véritable gouvernement de salut public.

      « Ce qu’enseigne l’histoire, c’est qu’un gouvernement de salut public est un gouvernement de fait, qui surgit après une grave crise politique, (coup d’état, révolution, soulèvement ou insurrection populaire) et qui met entre parenthèse la Constitution et toutes les institutions qui en dépendent. Il a pour rôle essentiel de résoudre le problème principal à la base de la crise du système et pose les fondements d’une nouvelle Constitution qu’il suit jusqu’à son adoption » («Le Crépuscule du Matin» n° 63 du 11 novembre 2015). Aujourd’hui, on peut constater que Tévoédjrè reste dans la ligne de continuité avec son soutien à Pascal Koupaki.

Mais pire, on ne voit pas comment cette transition pourra poser les bases pour guérir les corps de la société qui, comme le remarque à juste titre Topanou, sont tous gangrénés.

2-2- Les réformes dans le cadre de la ploutocratie mafieuse

Dans l’interview publiée par le journal «La Croix du Bénin», Me Abraham Zinzindohoué situe bien la cause de l’impasse politique. « Mais, c’est le système d’impunité. Il faut qu’on batte le système d’impunité qui facilite et alimente la fraude ou les corruptions…Ailleurs quand on découvre que la corruption règne au sein d’un parti, on sanctionne ce parti, mais ici on promeut les délinquants et on ne sanctionne pas. C’est notre drame, c’est notre péché. Nous ne sommes pas mieux que les autres. Ailleurs la corruption se fait à grande échelle, mais elle est sanctionnée. ». Bien. Mais que propose Me Zinzindohoué ? Les réformes. Il écarte la révolution. « Il faut passer aux réformes…parce qu’il n’y a que deux situations. Ou c’est la révolution ou on approfondit notre processus démocratique pour faire évoluer les lois électorales, les lois du système partisan, du financement et les partis ». Il poursuit plus loin en disant qu’il faut « revoir les contre-pouvoirs tels que l’Assemblée nationale, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, la Cour Constitutionnelle, la Haute Cour de Justice etc. De manière que ces contre-pouvoirs soient vraiment autonomes et indépendants de l’exécutif. ». Les propositions de réforme du système partisan doivent être des « techniques juridiques qui permettent de rétrécir le paysage partisan sans obligatoirement décréter d’autorité deux ou trois partis ».

Ainsi pour Me Zinzindohoué, le mal se situe au niveau des textes au sommet, au niveau du système partisan, des contre-pouvoirs au sommet à rendre plus autonomes et indépendants de l’exécutif. Boni Yayi a tellement avili les institutions du Renouveau qu’il en a montré toute leur nudité. Mais si tant est que le fond du problème, que « notre drame, notre péché », c’est le système d’impunité, il faut d’abord rechercher et indiquer des solutions à ce problème. Ce sont les solutions au problème de l’impunité qui serviront et feront la base pour des réformes efficaces des textes au sommet. Or, Me Abraham Zinzindohoué n’avance aucune solution à ce problème de l’impunité. Il ne montre nulle part comment ces réformes permettront de nous guérir du drame, comment elles permettront de sanctionner « les délinquants ».  L’indépendance des autres institutions de la République par rapport à l’exécutif ne suffit pas, et loin s’en faut, pour résoudre le problème de l’impunité. Le parti et les partisans du président de la République se retrouveront également et toujours dans ces institutions déclarées formellement indépendantes de lui. On a bien vécu comment l’Assemblée nationale, dont le président est formellement élu par ses pairs et non désigné par le Chef de l’Etat, était sous la coupe de Boni Yayi pendant 9 ans. Et dans la réalité, de même que des partis formellement indépendants de tel ou tel candidat ont décidé actuellement «en toute indépendance» de soutenir, voire de susciter tel ou tel candidat, de la même façon, le président élu pourra toujours faire passer sa volonté à des institutions déclarées indépendantes dans les textes. Surtout que c’est l’exécutif qui détient les cordons de la bourse.

Aujourd’hui, il existe de nombreuses, lourdes et coûteuses structures chargées de lutter contre la corruption et contre l’impunité. En plus et en dehors de la justice, il y a les inspections au niveau des ministères, l’inspection générale des finances, l’inspection générale des affaires administratives, la Haute Cour de justice, l’Autorité nationale de lutte contre la Corruption, le Fonac, etc. Et pourtant, la corruption et l’impunité semblent croître proportionnellement à leur nombre. Mais pourquoi ?, devrait-on se demander. Il suffit d’examiner les attributions de ces structures pour constater leur défaut principal, congénital : l’exclusion du travailleur et du citoyen du contrôle de la gestion du bien public. Le travailleur, le citoyen n’a aucun droit, aucune possibilité d’action directe sur le responsable chargé de la gestion de son bien public. Ce dernier n’a de compte à rendre qu’au patron qui l’a nommé et de qui dépend sa promotion. L’impunité est alors garantie. Le cercle vicieux et mafieux se referme, entretenant et amplifiant la gangrène de la corruption.

Le combat contre le système d’impunité, pour être efficace et victorieux doit nécessairement être mené à la base, par le travailleur et le citoyen et toute proposition véritable de solution doit tendre à donner plus de droit au travailleur et au citoyen à la base pour le contrôle de la gestion du bien public. C’est sur ce droit que peuvent se fonder l’indépendance et l’action des institutions au sommet. De même qu’il est impossible de garantir la liberté des entreprises de presse sans le droit de tout citoyen d’éditer, de publier, de lire, de diffuser ses idées, de même on ne peut garantir la bonne gestion du bien public, la lutte contre l’impunité sans le droit du citoyen et du travailleur de contrôler à la base et à son niveau la gestion du bien public. C’est l’indépendance de l’action du citoyen à la base qui garantira l’indépendance des institutions de contre-pouvoirs au sommet.

La lutte efficace contre l’impunité appelle du coup une révolution du fait que le travailleur et le citoyen à la base auront véritablement un pouvoir sur la marche des choses, sur la marche de son entreprise ou administration publiques, sur la source de ses conditions de vie et le développement du pays. Le pouvoir de contrôle de la gestion du bien public ne sera plus l’apanage des seuls élus au sommet. Les rapports entre les hommes auront changé dans le cadre de la gestion du bien public. Me Zinzindohoué perçoit bien que les conditions d’une telle révolution sont objectivement réunies. « Nous entrons, dit-il, dans l’ère des réformes parce qu’il n’y a que deux situations : ou c’est la révolution ou on approfondit notre processus démocratique pour faire évoluer les lois,.. ». Me Zinzindohoué rejette et met en garde ses pairs contre la révolution parce que cela va probablement à l’encontre de ses intérêts, de ceux de la haute bourgeoisie et des dominateurs extérieurs. Nicéphore Soglo ne révèle-t-il pas dans ses interventions publiques actuelles, notamment devant tout le parterre des participants au colloque international organisé par l’Association béninoise de droit constitutionnel le 7 décembre 2015 (Cf. «l’Informateur» n°3149 du 08 décembre 2015) que la corruption est l’instrument dont se servent les maîtres de la FrançAfrique pour s’assurer la complicité et la docilité des dirigeants africains ! Toute réforme qui ne permet pas de briser le système d’impunité est favorable aux pilleurs nationaux et aux dominateurs étrangers, et principalement ceux de la FrançAfrique. Seule la révolution, en brisant le système en place, le système de corruption et de fraudes électorales, en établissant le droit pour le travailleur et le citoyen de contrôler la gestion du bien public, seule la révolution peut sauver le Bénin de la catastrophe. Il faut alors un sursaut national.

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