L’humanité vit depuis les premiers jours de l’année 2011, un de ses tournants révolutionnaires des temps contemporains. Il s’agit des révolutions éclatées en Afrique du Nord (Maghreb et Makrek) et qui se poursuivent encore dans le reste du monde arabe. Du jour au lendemain, un mot jusque-là banni du langage de sociologie politique officiel depuis la période de la contre-révolution des années 1990, est revenu à l’ordre du jour : réel, concret, vivant, submergeant tous discours et programmes politiques : la révolution avec tout l’effet de légitimation que cela comporte.

Tout est parti peut-on dire de la Tunisie et d’un fait banal et courant dans le monde des régimes arbitraires et policiers arabes. Un jeune Tunisien du nom de Mohamed BOUAZIZI, 26 ans, diplômé sans emploi, vendeur de fruits et légumes pour nourrir sa famille pauvre, s’immole par le feu. La cause en est que la petite charrette de fruits du vendeur ambulant, Mohamed, a été saisie par un agent municipal qui lui a administré une gifle. Face à cet incident qui peut paraître banal, une insurrection éclata le 17 décembre 2010. De Sidi Bouzid, lieu d’immolation du martyr, le « mouvement spontané » s’étendit à toute la Tunisie. Le gouvernement tyrannique, comme d’habitude le font tous les régimes dictatoriaux, recourut à la force ; tira à balles réelles sur des jeunes manifestants non armés mais décidés à en finir avec l’oppression. Chaque victime qui tombait (il y avait de nombreux morts au fil des jours) suscitait la rage des combattants qui n’avaient à la bouche qu’un seul slogan « Ben ALI dégage ! ». Le mouvement insurrectionnel s’est focalisé autour d’une « Place » où convergent toutes les forces insurgées et qu’elles ont occupée en permanence jusqu’à la chute du dictateur, Ben ALI.

Regroupant d’abord les jeunes de tous bords puis les autres couches populaires du pays, la marée protestataire se poursuivit sans désemparer et sans concession et a contraint le dictateur BEN ALI à prendre la fuite le 14 Janvier 2011. Du jour au lendemain, les journaux surpris, tout comme sont surpris les plus grands services de renseignements des grandes puissances, rivalisent d’expression dans la description de l’événement : « L’impossible arrive … Onde de choc dans le monde arabe…Invisible, la mèche qui conduit de l’étincelle à la poudre apparaît quand elle s’embrasse. En Tunisie, elle a brûlé pendant près d’un mois avant d’aboutir au renversement de Zine El Abidine Ben ALI..Tunisie, les éclaireurs…Le soulèvement de janvier en Tunisie nourrit l’espoir d’autres populations arabes…Ce soulèvement historique d’un grand peuple a valeur d’exemple.» lit-on dans le Monde Diplomatique de février 2011.

Et en effet dès le 17 janvier 2011, un autre feu s’alluma. Plus gigantesque parce qu’en rapport à la population du pays (85 millions d’habitants), l’Egypte. Une autre place « La place Tahrir » en devint le symbole. « Place Tahrir. Les Egyptiens l’ont choisie au cœur de l’immense mégalopole du Caire pour adresser leur unique message au pouvoir tyrannique et corrompu du clan MOUBARAK : ‘’ERHAL’’ !(Dégage) et recueillir sa reddition. L’endroit est devenu pour l’Histoire le lieu symbolique de leur lutte et n’a jamais mieux porté son nom » (AFRIQUE ASIE mars 2011- page 28).


Le mouvement qui a pris le 17 janvier est allé en s’amplifiant avec des péripéties cocasses où le vieux dictateur a envoyé contre les manifestants des hordes de manifestants « pro-Moubarak », en fait des policiers « en civil » pour défendre son régime pourri. Mais rien n’y fit. Ces éléments ont été défaits par la colère populaire. Les discours d’abord de menace et d’intimidation, puis de promesses démagogiques de réformes constitutionnelles faites par le vieux dictateur n’ont pu désamorcer la colère populaire. La foule des manifestants à certains jours atteignait jusqu’à deux millions avec un seul mot d’ordre « Moubarak dégage ! Le peuple veut la chute du pouvoir ». En 27 jours, le mouvement insurrectionnel a défait le dictateur qui s’enfuit le 11 février 2011.

Aussitôt d’autres foyers insurrectionnels sont nés avec plus ou moins de force : Algérie, Lybie, Maroc et au-delà de l’Afrique les pays du Proche-Orient tels le Yémen, la Jordanie, Bahrein etc.

Le journal « AFRIQUE ASIE mars 2011- écrit : «Depuis mi-janvier, une déferlante révolutionnaire secoue le monde arabe. La rue dictera-t-il encore sa loi ? » (Page 24). Une ère de révolution- ou de turbulence révolutionnaire- est en train de souffler sur un grand nombre de pays arabes, pris aujourd’hui dans une grande effervescence et fièvre politique. Après la chute des régimes de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte, le mouvement social touche d’autres Etats » (page 31) « Nous sommes au cœur d’un événement géologique. Un séisme de ceux qui font date est en train de changer le panorama de notre région. Des montagnes se transforment en vallées, des îles surgissent de la mer, des volcans recouvrent la terre de lave … Comme d’habitude, personne ne l’avait prévu. Le très admiré Mossad s’est laissé surprendre comme la CIA et tous les autres services célèbres de ce type …Un dictateur peut être toléré quand il exprime la dignité nationale. Mais un dictateur qui exprime la honte nationale est un arbre sans racine, tout vent peut le renverser» (page 36).

Comme tout séisme, après la première secousse, les répliques reviennent. En Tunisie, après le premier déferlement, le mouvement révolutionnaire, comme dopé par les répercussions ailleurs, se reprend, s’approfondit pour dessoucher les racines de la dictature, cimenter les bases de la nouvelle république avec l’exigence d’un gouvernement représentatif du mouvement et une Assemblée Constituante fondatrice.

Ce « séisme », cet « événement géologique » va-t-il épargner l’Afrique sub-saharienne ? Tous les régimes oppresseurs au pouvoir au sud du Sahara le disent, du moins le souhaitent. Leur langage est clair : « L’Afrique noire n’est pas comparable à l’Afrique arabe. La révolution déclenchée au Nord ne descendra pas au sud… Les peuples noirs n’ont pas la même culture que les peuples arabes… » Ce qui veut dire en fait que les peuples africains au sud du Sahara peuvent se soumettre sans broncher aux pouvoirs despotiques sans réagir. Il s’agit là d’une injure à l’endroit des peuples de l’Afrique sub-saharienne. Pour ceux qui peuvent l’oublier, essayons de leur rafraîchir la mémoire. En octobre 1988, des révolutions de la faim ont éclaté en Algérie et en Tunisie. Et l’on sait que cela n’a pas tardé à prendre au sud avec les mouvements insurrectionnels des années 1989 et 1990 en Afrique Noire. Et ce n’est pas aujourd’hui à l’ère de l’Internet et des chaînes de télévision mondiales où les peuples suivent en temps réel tous les événements qui se déroulent sur la planète que les mêmes causes n’engendreront pas les mêmes effets. L’événement annonciateur de la nouvelle vague de luttes de libération nationale, démocratique et anti-impérialiste, l’étincelle allumée à Tunis embrasera à coup sûr toute l’Afrique ! Plus que toute autre région du monde, l’Afrique sub-saharienne a des raisons de faire la révolution. L’Afrique de l’oppression culturelle, religieuse, linguistique, et même monétaire, l’Afrique de la FrançAfrique, l’Afrique, point focal des fléaux du monde : analphabétisme, famine, SIDA, arriération, guerres pour l’essentiel provoquées de l’extérieur, l’Afrique des 50 ans d’espoirs étouffés, cette Afrique est grosse d’une révolution.

Tout comme hier l’Asie, puis l’Amérique du Sud colonisées ont entamé la marche vers le développement et donc l’abolition du néo-colonialisme, la Tunisie semble avoir donné le coup d’envoi de la mise en mouvement de l’Afrique vers cet objectif émancipateur. « Les nuages sinistres pendant longtemps/ Ne seront plus maîtres du ciel »



Que vivent les révolutions à travers le monde !

Que vivent les peuples africains libres et émancipés !



Cotonou, le 11 mars 2011

Le Parti Communiste du Bénin.

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