LE BENIN A LA CROISEE DES CHEMINS
Le 27 décembre 2013, YAYI BONI a fait abattre une terrible répression par le Préfet Placide AZANDE et le commissaire central de la police de Cotonou Pierre AGOSSADOU sur la marche pacifique convoquée par les centrales syndicales. Cette marche pacifique avait pour objet de protester contre les interdictions des marches pacifiques des organisations qui ne partagent pas le même point de vue que le pouvoir de YAYI BONI, les interpellations et les incarcérations abusives de citoyens considérés comme opposants, l’interdiction d’accès aux médias pour l’opposition politique et toute voix discordante, l’annulation du concours frauduleux à la fonction publique qui a créé un grand scandale dans le pays. Les images de cette répression sanglante ont fait le tour du monde et ont suscité une indignation quasi unanime.
Le lundi 27 janvier 2014, devant des jeunes qu’il a réunis au Palais de la République, YAYI BONI a déclaré que les responsables syndicaux s’étaient enduits d’encre rouge ou de mercurochrome pour faire croire au monde entier que c’est le sang qui avait coulé. On se croirait revenu en octobre 1988 c’est à dire un an avant la fin du pouvoir autocratique du PRPB quand le ministre de l’information et de la propagande de KEREKOU monsieur OUSMANE BATOKO, notre actuel Président de la cour suprême du Bénin déclarait le 18 octobre 1988 au journaliste de la BBC Jean Victor N’KOLO : « Je peux vous dire que, au Bénin, les droits des citoyens, qu’ils soient politiques, sociaux, économiques, culturels sont parfaitement respectés. La loi fondamentale de notre pays est claire en la matière et toute personne impliquée dans des affaires de droit commun ou dans des affaires politiques, a le droit de se faire défendre par un avocat tel que les textes le prévoient. » Au moment où le ministre de la propagande de KEREKOU faisait cette réponse, des centaines de prisonniers croupissaient dans les geôles du PRPB tandis que beaucoup de gens étaient contraints à l’exil. 26 ans après, c’est comme si nous sommes revenus à la case départ et c’est le serpent qui se mord la queue.
Chers amis,
Il en est de la vie des hommes comme de celle des peuples ; toute erreur d’analyse, toute faute d’appréciation se paient cash. Aujourd’hui, notre peuple est entrain de payer chèrement les illusions nées du consensus frauduleux de la Conférence Nationale où on nous a fait croire que celle-ci a enfanté d’un Etat de Droit Démocratique. N’est-il quand même pas bizarre que jusqu’en septembre 2013, à la tête des principales institutions chargées de protéger cet Etat de Droit, on retrouve d’anciens ministres et hauts dignitaires du PRPB à savoir, DOSSOU Robert à la Cour Constitutionnelle, Théophile NATA (ambassadeur de KEREKOU pendant 10ans) à la HAAC, OUSMANE BATOKO à la Cour Suprême ? Aujourd’hui, DOSSOU Robert a été remplacé par HOLO Théodore mais on voit que le peuple n’a pas gagné au change. A cela il faut ajouter le fait qu’au niveau de l’Exécutif, le principal conseiller politique de YAYI BONI, c’est AMOS ELEGBE lui aussi ancien ministre du PRPB ; si on sait que KEREKOU après avoir vainement tenté de rester au pouvoir en 2006 a tout fait pour imposer YAYI BONI au peuple béninois, on comprend alors que ce dernier ne soit qu’un avatar du PRPB et du renouveau dit démocratique et alors, on ne s’étonnera pas des dérives dans lesquelles il est en train de conduire notre peuple.
LE RENOUVEAU DIT DEMOCRATIQUE A EPUISE SES RESSOURCES
Après la répression sanglante de la marche pacifique du 27 décembre 2013 par les sbires de YAYI BONI, le syndicaliste Pascal TODJINOU a déclaré que la démocratie béninoise était morte ; tout dernièrement, le professeur AHANHANZO GLELE, considéré comme le père de la Constitution actuelle a déclaré que nous nous acheminons vers une nouvelle dictature. Dans une récente interview, le chroniqueur Jérôme Carlos déclarait ceci : « Les systèmes qu'on nous a mis en place, qui ont fait les beaux jours des Occidentaux, ne marchent pas ici. Par conséquent, je pense donc que nous n'avons pas encore mis en place les vrais mécanismes d'une réelle démocratie. Nous sommes dans une sorte de foire, il y a beaucoup de larrons, on ruse et c'est le plus malin, le plus astucieux qui peut réussir à mettre la force de son côté qui gagne. » Quand on ajoute à cela toutes les demandes d’Assisses Nationales qui fusent de partout, tout ceci indique que le Renouveau dit Démocratique, est entrain d’entonner son champ du cygne et qu’une nouvelle légalité est appelée dans le pays.
POUR COMPRENDRE LA SITUATION ACTUELLE
Il y a 9 ans, en 2005 à pareil moment, le Bénin était agité par les préparatifs de KEREKOU de se maintenir au pouvoir à la fin de son second mandat en 2006 ; l’histoire recommence donc avec YAYI BONI aujourd’hui. En fait, comme l’a écrit le chercheur sénégalais ALIOUNE SALL : « Les démocratisations ne sont pas abouties en Afrique. Dans des économies rentières, tant que l’accès au pouvoir restera le seul moyen d’accéder aux ressources, il n’y aura pas de culture d’alternance » (repris dans Afrique : le mirage démocratique de Vincent HUGUEUX CNRS EDITIONS février 2012).
Au Bénin du Renouveau démocratique, contrairement à tout ce qui se dit et à tout ce que les gens croient, aucun Président n’a lâché volontairement le pouvoir après la fin de son mandat. L’alternance démocratique tant vantée, n’est qu’un leurre. La politique est un job qui rapporte ; vendre ses voix entre les deux tours, être député et changer de camp en cours de mandat, ou contribuer à faire passer une loi, être ministre avec possibilité de donner des marchés, de faire des surfacturations etc. peut générer des centaines de millions de francs. Au lieu de la démocratie, ce dont la Conférence Nationale a accouché, c’est, comme l’a appelé le Doyen Olympe BHÊLY QUENUM : « l’ADOGOCRATIE » ou politique du ventre. Il faut être au pouvoir ou dans les bonnes grâces du pouvoir pour pouvoir compter ; voilà pourquoi ceux qui y sont, ne veulent plus en partir. Il suffit de revisiter les conditions des diverses alternances depuis la Conférence Nationale pour s’en rendre compte.
QUAND SOGLO REFUSE DE QUITTER LE POUVOIR A LA FIN DE LA TRANSITION
A la Conférence Nationale, tout le monde sait que la majorité des personnes présentes dans la salle n’avait pas pris part à la lutte frontale contre KEREKOU et son régime du PRPB, le PCB ayant refusé de participer à cette mascarade ; c’est dire qu’aucun des groupes ni des personnalités présentes dans la salle, n’avait la légitimité indiscutable pour diriger le gouvernement de transition. La lutte était donc serrée pour le poste de Premier Ministre car tout le monde voyait que c’était un tremplin pour la suite. ZINSOU, Bertin BORNA, HOUNGBEDJI, TEVOEDJRE etc. tout le monde voulait le poste ; parmi les hommes politiques, personne ne voulait céder la place à son concurrent ; il y avait en tout 12 candidats. La décision a donc été prise de prendre un technocrate, à la condition expresse qu’il ne se présente pas aux élections à venir après la transition. Le choix se porta sur SOGLO. Pour les protagonistes de la Conférence Nationale, SOGLO avait l’avantage d’être un ancien fonctionnaire de la Banque Mondiale et un homme apparemment sans ambition. La Conférence Nationale ayant décrété le PAS (Programme d’Ajustement Structurel) comme incontournable, SOGLO pourrait être un bon interlocuteur auprès de ses anciens maitres. Après la transition, celui-ci prend goût au pouvoir et décide de se présenter à l’élection présidentielle, rompant ainsi le pacte conclu à la Conférence Nationale. Personne ne put l’en empêcher. Il profitera de son poste de Premier ministre de transition pour se faire élire Président, contrairement aux promesses faites à la Conférence Nationale à ses pairs. Ce fut le premier accroc au consensus de la Conférence et le premier passage en force du Renouveau démocratique.
LE CHANTAGE DE KEREKOU EN VUE D’OBTENIR SON IMMUNITE.
Pendant la transition, une nouvelle Constitution est élaborée par un groupe d’experts au lieu d’une assemblée constituante élue comme on l’a vu dernièrement en Tunisie. Le président AHOMADEGBE avait fait une prévision prophétique qu’on voit aujourd’hui ; il avait déclaré en effet : « Les intellectuels à qui nous avons confié la rédaction de la Constitution n’ont rien sorti de leur crâne ; ils n’ont fait que copier la Constitution du général de Gaule qui est une constitution monarchique ; le jour où un dictateur s’en emparera dans ce pays, nous sommes foutus ». Il faut dire aussi qu’en vue de mettre hors-jeu les anciens présidents MAGA, AHOMADEGBE et ZINSOU qui avaient des velléités de se présenter aux élections présidentielles, l’âge limite de candidature fut fixée à 70 ans. Aux élections présidentielles, il y eut une flopée de candidats. Ne restèrent au deuxième tour que KEREKOU et SOGLO ; tous les autres candidats se rallièrent à SOGLO qui sort vainqueur selon les résultats donnés par la CENA. Après la proclamation, KEREKOU refuse de reconnaître les résultats, se retire dans sa résidence des filaos et tout le monde retient son souffle ; Monseigneur de SOUZA fait la navette entre les institutions et cherche à dénouer la crise ; l’Ambassade de France aussi est à la manœuvre. KEREKOU veut bien partir à condition qu’on lui accorde l’immunité; le 30 mars 1991, le (HCR) Haut Conseil de la République décide que : KEREKOU « ne pourra comparaitre devant aucune juridiction, que ce soit en qualité de témoin, de complice, d’auteur ou de coauteur de délits ou de crimes. Cette immunité qui couvre la période allant du Coup d’Etat militaire du 26 octobre 1972 au 1er avril 1991, ne peut être levée par aucune loi. » Certaines bonnes âmes ont vu en cette immunité, un moyen d’éviter la guerre civile. Ainsi donc, les crimes économiques et politiques, les assassinats crapuleux de KEREKOU et de son régime ont été passés par pertes et profits. Juridiquement en effet, il suffit qu’un membre de l’équipe de KEREKOU, poursuivi pour un délit quelconque, invoque un ordre de KEREKOU pour être relâché ; on comprend pourquoi depuis la Conférence Nationale, aucun des tortionnaires et assassins de l’ancien régime du PRPB n’a été poursuivi et que les victimes attendent toujours réparation. En son temps, le Comité Culturel pour la Démocratie au Bénin avait écrit : « En amnistiant KEREKOU et sa bande, les protagonistes de la Conférence Nationale qui ont couvert avec obstination pendant un an les méfaits du pouvoir du PRPB, veulent se faire pardonner par avance les forfaits qu’ils s’apprêtent à commettre contre le peuple avec les nouvelles institutions illégales dont ils se sont doté… Un peuple qui oublie ou qui pardonne de telles ignominies est condamné à les subir à nouveau. » Ce qui est curieux, c’est qu’aucun de ceux-là qui ont accordé cette immunité à KEREKOU n’en ont imaginé les conséquences au moment de son retour au pouvoir. Il faut dire que l’appel à la gamelle était trop fort ; en effet, comme le disait TEVOEDJRE, « KEREKOU était le seul à pouvoir battre SOGLO ». Ce dernier les ayant écartés de la jouissance du pouvoir, il fallait l’en dégager à tout prix. Cette immunité de KEREKOU a ouvert la boîte de Pandore de l’impunité au Bénin. Qui pouvait-on juger au Bénin après cette amnistie ? Personne. Elle faisait jurisprudence pour les futurs anciens chefs d’Etat et leurs collaborateurs. On comprend pourquoi les deux mandats de KEREKOU, revenu au pouvoir sans crier gare, ont été 10 années de saccage de l’économie nationale dans une impunité totale.
LA FANFARONNADE DE SOGLO APRES SA DEFAITE EN 1996
Elu Président en 1991 et ceci en violation du consensus de la Conférence Nationale qui l’empêchait de se présenter, SOGLO s’efforce de former un gouvernement où chaque clan politique en a eu pour son compte. Ainsi donc, les choses ont démarré avec une unanimité relative des protagonistes de la Conférence Nationale. Mais très vite, la gestion patrimoniale et familiale du pouvoir par SOGLO va générer des tensions ; les autres pontes du Renouveau Démocratique ont été petit à petit écartés du pouvoir. Les ayant éloignés de la marmite, SOGLO en a fait des ennemis mortels ; ils se sont dit qu’il fallait absolument le faire partir. Sur le plan international, la situation n’était pas non plus favorable à SOGLO. Au cours de son mandat, SOGLO, ancien fonctionnaire de la Banque Mondiale a commencé à fricoter avec les américains ; naturellement, ceci n’était pas du goût de la France qui ne tolérait pas de telles infidélités de la part de quelqu’un qu’elle a aidé à venir au pouvoir. Sur le plan régional et notamment avec le Nigéria alors dirigé par le dictateur SANI ABACHA, les relations se sont aussi détériorées. Le cynique dictateur et assassin de KEN SARO WIWA n’apprécie pas le soutien de SOGLO à ceux qui luttent contre lui, et surtout, le fait qu’il ait donné un passeport béninois à WOLE Soyinka pour lui permettre de s’échapper de ses griffes. En 1996 donc, le sort de SOGLO était scellé. Jacques Foccart révèle en effet dans ses mémoires que KEREKOU était venu le voir et qu’ils ont décidé de le soutenir contre SOGLO. Au deuxième tour de l’élection présidentielle, presque toute la classe politique béninoise, en dehors du Parti Communiste du Bénin, est derrière KEREKOU. A la proclamation des résultats, KEREKOU est donné naturellement vainqueur ; en effet, SOGLO n’avait aucune chance de gagner les élections. Lui et son camp refusent le résultat. Certains des dignitaires de son pouvoir s’habillent en tenue militaire pour prendre d’assaut la radio ; d’autres demandent de provoquer des manifestations de rue ; SOGLO se souvient alors de l’accord que le PCB avait signé avec lui en 1995 pour éviter le retour de KEREKOU, accord qu’il n’avait jamais respecté. Il demande à Pascal FANTODJI de le soutenir dans son refus de reconnaître sa défaite; celui-ci refuse naturellement et lui demande d’accepter les résultats. En même temps, un général proche de SOGLO qui connait les rapports de force dans l’armée, lui demande de ne pas bouger parce que KEREKOU contrôle cette dernière. La mort dans l’âme et voyant qu’il se lancerait dans une aventure sans issue, SOGLO accepte le verdict des urnes et toute cette agitation se termine comme une grosse pantalonnade. C’est dans ces conditions qu’il envoie à Chirac, cette piteuse lettre où il demande que celui-ci intervienne pour qu’il obtienne aussi son immunité :
« Cotonou le 25 mars 1996
Son Excellence
Monsieur Jacques CHIRAC
Président de la République Française
Monsieur le Président et cher ami,
… Selon les résultats provisoires du second tour de l’élection présidentielle du 18 mars 1996, tels que proclamés par la Cour Constitutionnelle à ce jour, je suis devancé par mon adversaire par une différence de 95.000 voix. Il est étonnant qu’avant cette proclamation, j’ai été l’objet d’une campagne de dénigrement systématique de la part des médias des pays étrangers ». Après avoir énuméré les nombreuses irrégularités qui ont émaillé les élections, SOGLO finit sa lettre en écrivant : « Etant donné le régime qui a prévalu à la suite du coup d’Etat militaire organisé par les services secrets étrangers, contre rémunération, et qui a porté mon adversaire au pouvoir, en 1972, je souhaite que par une déclaration publique, le Gouvernement français invite le Général Mathieu KEREKOU à garantir ma sécurité et ma liberté ainsi que celles de ma famille, des membres de mon Gouvernement et de leurs familles, ainsi que celles de tous ceux qui m’ont publiquement apporté leur soutien. Cet élément m’apparaît indispensable pour renforcer les bases de l’Etat de droit, préserver la paix et éviter la fracture politique dans ce pays marqué depuis 1960 par l’arbitraire et la dictature. En 1991, j’ai accepté, dans le souci de préserver la paix sociale, d’accorder l’immunité au Président KEREKOU.
Avec mon meilleur souvenir et l’assurance de toute mon amitié.
Nicéphore D. SOGLO. »
Comme on le voit, SOGLO veut bien partir mais demande qu’on accorde à lui aussi ainsi qu’à tout son Gouvernement, l’immunité tel qu’on l’avait fait à KEREKOU. Comment peut-on alors s’étonner de la généralisation de l’impunité dans le pays ?
LES ELECTIONS CALAMITEUSES DE 2001
A son retour en 1996 et fort de son immunité, KEREKOU met le pays à sac ; il faut dire que ceux qui ont décidé de le ramener ne se sont même pas posé la question de l’incidence de son immunité sur son retour au pouvoir ; l’important à ce moment-là, c’était de chasser SOGLO du pouvoir ; or, comme le disait TEVOEDJRE, l’autocrate était le seul à pouvoir battre SOGLO. N’étant plus justiciable, KEREKOU pouvait tout se permettre. En fait, l’autocrate a dû être surpris par les possibilités financières du pays contrairement aux dernières années de son règne. Avec KEREKOU 2, les scandales se succédaient les uns aux autres. Si sous le PRPB on volait avec la petite cuillère, avec KEREKOU 2 c’est la grosse cuillère ; ce qui fera dire plus tard à AMOUSSOU Bruno qu’avec YAYI BONI, on est passé à la louche. En 2001, le désir de changement était grand ; beaucoup de gens voulaient le départ du Général. Connaissant le mécanisme des élections sous le renouveau démocratique, KEREKOU avait tout verrouillé. Il contrôlait la CENA, la Cour Constitutionnelle, la Cour Suprême et l’armée. Les élections furent une véritable mascarade ; pour ne pas les cautionner, SOGLO qui était en 2ème position se désiste et appelle au boycott à la suite du PCB. HOUNGBEDJI qui était en 3ème position appelle au boycott en qualifiant la Cour Constitutionnelle de cour des miracles. C’est là où AMOUSSOU Bruno contrairement aux autres candidats qui dénonçaient cette mascarade, accepta de jouer un match amical avec KEREKOU en cautionnant son élection frauduleuse. KEREKOU le remerciera en renforçant son rôle dans le Gouvernement et en le gratifiant d’autres choses dont les dirigeants du régime du Renouveau Démocratique ont le secret, avant de se débarrasser de lui après l’avoir bien pressé comme un citron. Il est clair que si, comme SOGLO et HOUNGBEDJI, AMOUSSOU avait rejeté ces élections comme frauduleuses, KEREKOU aurait été en bien mauvaise posture aussi bien sur le plan interne que sur le plan international, ce qui aurait peut-être changé le cours des choses dans le pays en 2001.
L’ECHEC DES MANŒUVRES DE KEREKOU POUR UN TROISIEME MANDAT
Le régime de KEREKOU 3 a été celui de toutes les turpitudes. Pas un jour sans révélation d’un scandale. (Affaire HAMANI, affaire Titan, affaire escorte de voitures, etc.… Le rejet du pouvoir était total. Tout le monde attendait la fin de son mandat en 2006 pour se débarrasser de lui. L’autocrate, lui, ne l’entendait pas de cette oreille. Il voulait s’éterniser au pouvoir. Dans un premier temps, il voulait modifier la Constitution ; ce fut un échec ; il voulut prolonger son mandat, ce fut aussi un échec ; ensuite il fit revenir le criminel et tortionnaire AZONHIHO DOHOU MARTIN comme ministre de la Défense pour impressionner le peuple ; ce fut aussi un échec ; puis son ministre des finances SEHLIN déclara qu’il n’y avait pas d’argent dans les caisses pour organiser les élections. Jusqu’au dernier moment, KEREKOU fit tout pour faire capoter les élections ; même après le 1er tour de l’élection présidentielle, il faisait tout pour empêcher le 2ème tour. En homme rusé et retors, tout en travaillant pour son maintien, il magouillait en sous-main pour l’arrivée éventuelle d’un des siens au pouvoir. C’est ainsi que YAYI BONI arriva au pouvoir avec le soutien discret et sournois de KEREKOU qui a dû partir contre sa volonté avec toujours en poche son immunité en béton. Pour remercier son homme de main Martin DOHOU AZONHIHO, il le nomma général avec rétroactivité en lui permettant de percevoir des arriérés de plus de 10 ans de salaire.
YAYI BONI, UN AVATAR DU RENOUVEAU DIT DEMOCRATIQUE
Dès sa prestation de serment en 2006, l’horizon de YAYI BONI c’était sa réélection en 2011. En avril 2007, il a tout fait pour avoir une majorité à l’Assemblée avec des méthodes peu recommandables ; pour être sûr d’avoir un Président de l’Assemblée Nationale à sa dévotion, il a fait signer des procurations à ses députés présents mais peu fiables, pour bien contrôler leur vote. Aux élections communales d’avril 2008, il a dénoncé les fraudes massives de l’opposition, a fait occuper des mairies, des voies publiques, acheté des conseillers municipaux, fait rectifier des résultats par la Cour suprême, ce qui lui a permis en fin de compte d’obtenir ce qu’il n’avait pas pu avoir par les urnes. Un an avant les élections de 2011, Rosine Vieira a révélé comment un jour chez eux, YAYI BONI a dit à SOGLO qu’il a manqué de poigne comme EYADEMA, ce qui ne lui a pas permis de faire un deuxième mandat. A la veille des élections présidentielles de 2011, YAYI BONI contrôlait la CENA, la Cour Constitutionnelle, la HAAC, la Cour Suprême, toute l’administration, avec des préfets politiques nommés par lui ; la presse était, dans sa majorité, domptée ou achetée, et la Télévision d’Etat était devenue Télévision YAYI. Si on ajoute à cela, une LEPI (Liste Electorale Permanente Informatisée) confectionnée avec plus d’un million de citoyens sur quatre millions en âge de voter, absents de la liste, on peut dire que les jeux étaient faits. Le tour était d’autant plus joué que, monsieur Albert TEVOEDJRE déclarait le 4 avril 2009 lors du Symposium sur Monseigneur de SOUZA : « La fraude est devenue le sport national. Ce qui décide, par exemple, de l’issue d’une élection dans notre pays, ce n’est pas le vote de l’électeur mais le bon vouloir des organisateurs, de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) en l’occurrence. Aussi les groupes politiques se battent-ils et s’entredéchirent-ils pour contrôler la CENA non seulement, mais aussi la Cour constitutionnelle ».TEVOEDJRE, ce grand manitou de la politique béninoise est celui-là même qui en tant que rapporteur des travaux de la Conférence Nationale avait terminé son rapport en proclamant que le Bénin avait vaincu la fatalité. Sachant qui est TEVOEDJRE et comment il a pu être bénéficiaire et victime de ce système, on peut faire foi à ces déclarations. Dans la réalité, il fallait être un naïf pour croire que quelqu’un d’autre que YAYI BONI pouvait gagner les élections de mars 2011 et que celui-ci pouvait abandonner le pouvoir après cinq ans seulement. Pour YAYI BONI, le hold-up de 2011 devait être une formalité qui lui ouvrirait la voie vers sa perpétuation au pouvoir, voilà pourquoi il s’est tout de suite engagé dans les manœuvres pouvant lui permettre d’arriver à ses fins. Après son discours du 1er août 2012 où il a révélé sa vraie nature, YAYI BONI déclare dans un champ de coton du nord du pays : « A partir de maintenant, je vais faire la dictature du développement, pour vous et contre vous ». Depuis-là, plus rien n’échappe à sa boulimie ; Il faut qu’il contrôle tout et par tous les moyens ; seulement, YAYI BONI a sous-estimé l’esprit de résistance de notre peuple ; voilà pourquoi, alors que l’Assemblée Nationale se rebelle, que la justice renforce son indépendance, que la corruption généralisée provoque le dégout, la répression de la marche pacifique du 27 décembre a été la provocation de trop vis-à-vis du peuple. Et si YAYI BONI a osé faire ce qu’il a fait, c’est parce qu’il sait qu’au Bénin du Renouveau, personne ne demande de compte à personne lorsqu’il quitte le pouvoir ; si vous tentez un passage en force et que vous réussissez comme KEREKOU en 2001, tout le monde vient vers vous pour manger. Si vous tenter le coup de force et que vous échouez, comme KEREKOU toujours, en 2006, tout le monde vient vous féliciter d’avoir sagement quitté le pouvoir en oubliant totalement les luttes qui vous ont obligé à déguerpir. Qui ne jouerait pas à ce jeu de qui perd gagne ; quel est ce jeu où vous êtes sûr de ramasser plus que votre mise ? Si le système est comme cela, c’est à cause de l’impunité qui est le socle qui maintient le régime dit du Renouveau Démocratique.
L’IMPUNITE LE MAL A ERADIQUER ABSOLUMENT
Intervenant un jour à propos du siège de la nouvelle Assemblée Nationale et de la carcasse géante qui dénature honteusement l’entrée de la Ville de PORTO-NOVO, YAYI BONI a proposé qu’on la détruise et qu’on construise un nouveau siège ailleurs. Avec cette proposition, nous sommes en plein dans le mal dont souffre le Bénin depuis la Conférence Nationale : L’impunité.
Dans l’opuscule « Préparer le Bénin du futur » où il présentait son programme pour les élections de 1996, il est dit de Mathieu KEREKOU : « Appeler par les circonstances à diriger les destinées du pays, il est resté pendant 17 ans à la tête de l’Etat et a engagé avec courage et bonne foi des actions et des expériences aux fortunes diverses. Durant la grande crise nationale et internationale des années 1988/99 il eut la sagesse d’organiser et de mener à bien la Conférence des Forces vives de la Nation (février 1990) qui fut en Afrique un exemple réussi de concertation responsable et féconde en vue d’une transition pacifique et ordonnée vers le Renouveau Démocratique. » Cette présentation, de KEREKOU, les Fables de la Fontaine la déclineraient ainsi : « Il était une fois un petit pays d’Afrique où sévissait un dictateur ; après 17 ans de règne et de terreur et pris d’un remord soudain, il réunit la population et dans sa grande magnanimité lui déclara : « mes chers enfants, à partir d’aujourd’hui, je vous accorde la liberté ; je ne vais plus torturer, tuer, et j’autorise tous les exilés à rentrer au pays » ; le peuple médusé qui n’en croyait pas ses yeux et ses oreilles cria et dansa toute la nuit ; on lui pardonna tous ses péchés, certains proposèrent qu’on lui érige une statue tandis que d’autres le proposèrent au prix Nobel etc.…etc.… » Je pourrais continuer ce conte pour enfants, au clair de lune pendant longtemps sauf qu’ici il s’agit de la destinée de tout un peuple ; Nulle part ailleurs on n’entend de telles sornettes. En Argentine, au Chili et en France que nous avons l’habitude de prendre pour exemple, personne ne félicite le dictateur vaincu d’avoir octroyé la liberté au peuple. Au contraire, on pourchasse le dictateur et ses collaborateurs pour que : « Plus jamais ça » En servant cette version de la victoire sur le PRPB, on a menti aux peuples frères d’Afrique en leur faisant croire qu’on peut renverser un dictateur par une Conférence Nationale. DOSSOU Robert lui-même rapporte que quand ils sont allés présenter les résultats à EYADEMA, ce dernier leur a demandé : « Et Mathieu il a accepté tout ça ? » Mathieu a accepté tout ça parce qu’en bon militaire, il savait qu’il avait été vaincu et qu’il avait intérêt à saisir la perche que lui tendait la Conférence Nationale. En portant aux nues le dictateur, on a piétiné la mémoire des martyrs, on a piétiné la mémoire de AKPOKPO Rémi GLELE, on a piétiné la mémoire de Parfait ATCHAKA, de Luc TOGBADJA, on a piétiné la mémoire des combattants qui ont donné leur vie, qui ont pris des risques pour que le peuple se débarrasse de la dictature. Il faut raconter les hauts faits d’armes et la bravoure des combattants à la jeunesse pour qu’elle se serve de leur exemple. Il faut raconter à nos militaires comment le Colonel Michel ALLADAYE, écœuré par les agissements de KEREKOU a rejoint Pascal Fantodji le fondateur historique du PCB en 1989 dans sa cachette pour préparer avec lui le soulèvement populaire contre la dictature. Il faut raconter à notre jeunesse comment au sortir d’un conseil des ministres où KEREKOU venait de signer un accord secret d’enfouissement de déchets radioactifs, le Colonel André ATCHADE fit parvenir le document secret à Pascal FANTODJI en lui disant de faire le nécessaire pour tuer ce projet dans l’œuf, ce qui fut fait. Voilà les vrais héros de notre peuple. Il faut faire comprendre à notre jeunesse que rien de grand ne se fait sans sacrifice. En ne faisant pas la propagande pour les vrais patriotes et les vrais héros, on a permis à des aventuriers comme YAYI BONI de se faufiler au pouvoir et de venir narguer le peuple.
YAYI BONI DOIT PARTIR
Lors de sa Conférence de Presse du 27 janvier 2014, monsieur Philippe NOUDJENOUME le Président de la Convention Patriotique des Forces de Gauche et 1er Secrétaire du PCB a déclaré : « Le pouvoir de YAYI Boni est fini. Son prolongement encore à la tête de notre Etat –tous les jours qui passent- n’est que sources de malheurs et de calamités pour notre peuple. Le plus tôt on le dégagera ; mieux cela vaudra pour la santé de notre pays. Il faut œuvrer inlassablement à cette issue. Dans ce sens le mouvement de protestation en cours a une grande importance. C’est pourquoi tout démocrate, tout patriote qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays doit se battre pour son succès. »
Chers amis,
En réprimant comme il l’a fait la marche pacifique du 27 décembre 2013, YAYI BONI a commis la provocation de trop envers notre peuple. Disons-lui « ça suffit » ; il vient d’aggraver son cas en opérant de manière illégale, des défalcations sur le salaire des grévistes. Comme en 1989, la diaspora a un rôle à jouer ; nous ne doutons pas un instant qu’elle sera à la hauteur.
Chers amis
« Quand l’arbitraire devient le droit, quand l’injustice devient la loi, le seul devoir qui reste au peuple c’est de résister » ; alors, en avant pour le combat, en avant pour la victoire.
Le peuple béninois vaincra.
Paris le 02 février 2014
KOUESSI Gilbert
Représentant du PCB et de la Convention Patriotique des Forces de Gauche en Europe
Intervention à la réunion de Diaspora Béninoise le 02 février à Paris