Nom : ALIDOU
Prénom : Adamou
Résidant à Akpakpa-Tanto

Cotonou, le 18 Janvier 2018

A
Monsieur le Président de la
Cour Constitutionnelle
Cotonou

Objet: Recours en inconstitutionnalité contre la violation de la Constitution par le chef de l’Etat

 

Monsieur le Président,

La violation des décisions de la Cour Constitutionnelle est devenue le sport favori du chef de l’Etat et de son gouvernement. La pratique qui consiste à les ignorer est récursive. Vu la gravité de la situation, j’ai décidé de vous adresser un recours en inconstitutionnalité contre l’inaction du président de la République dans le cadre de la mise en application des décisions de la Cour Constitutionnelle, et ce, conformément à l’article 3, alinéa 3, de la loi N°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin.

1- Prologue
Dans le Préambule de la Constitution du 11 décembre 1990, le peuple béninois a affirmé sa détermination de «créer un État de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l'homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle».
L’État de droit est un concept juridique mais aussi philosophique et politique. Il implique la primauté du droit sur le pouvoir politique dans un État et que tous, gouvernants et gouvernés, doivent obéir à la loi. Mais force est de constater que l’injonction de la Haute juridiction de l'État en matière constitutionnelle relative à la désignation et à l’installation des membres devant siéger au COS-LEPI n’a pas été respectée.
Par Décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017, la Cour Constitutionnelle a demandé à «l’Assemblée Nationale de procéder, au plus tard le 21 décembre 2017, à la désignation de ses représentants au sein du Cos-Lepi. Le Cos-Lepi doit être installé au plus tard le 29 décembre 2017 par la Cour constitutionnelle. La mission du Cos-Lepi prend impérativement fin le 30 juin 2018». Du côté de l’Assemblée Nationale, c’est le silence radio, voire le mépris à l’égard de la Cour Constitutionnelle.
Conformément à l’article 114 de la loi fondamentale du 11 décembre 1990, «la Cour Constitutionnelle est l'organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics». A ce titre, ses décisions, au regard de l’article 124 de la Constitution «ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles.»
La Constitution du 11 décembre 1990 fait du Président de la République, son protecteur. L’article 41 de la Constitution dispose très clairement qu’«il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité territoriale et du respect de la Constitution, des traités et accords internationaux».
Lors de sa prestation de serment, et conformément à l’article 53 de la Constitution, le président de la République a juré «solennellement de respecter et de défendre la Constitution que le Peuple béninois s'est librement donnée; de remplir loyalement les hautes fonctions que la Nation nous a confiées…».
Etant garant de la Constitution et de l’application des lois, le chef de l’Etat ne saurait donc rester silencieux face à la violation du code électoral, de la Constitution et au non respect des décisions de la Cour Constitutionnelle.
L’article 220 de la loi N° 2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin dispose que : «Le Conseil d’orientation et de supervision est composé de onze (11) membres désignés comme suit : cinq (05) députés par la majorité parlementaire; quatre (04) députés par l’opposition parlementaire; du directeur général de l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique; du directeur du service national en charge de l’état civil. Les députés sont désignés chaque année pendant la période de mise à jour, à savoir, du 1er juillet au 31 janvier. En tout état de cause, aucun député ne peut siéger plus de deux (02) fois dans le Conseil d’orientation et de supervision au cours d’une même législature».
«Le président de la République assure l'exécution des lois et garantit celle des décisions de justice», dit l’article 59 de la Constitution du 11 décembre 1990. On constate aisément qu’il a violé la loi N° 2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin en ne posant pas les actes qu’il faut pour assurer son exécution.
En vingt mois de gouvernance, le chef de l’Etat s’est montré prompt à la violation de la Constitution. Sans ambages, il est le chef d’État qui aura le plus violé la Constitution du 11 décembre 1990. Et ceci, peu importe la question ou l’enjeu. En moyenne, il a violé la Constitution une fois par mois, depuis le 06 avril 2016. Dès son avènement, il mit fin au mandat en cours du Directeur Général de l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB). La victime, Stéphane Todomè, saisit la Cour constitutionnelle, qui juge anticonstitutionnelle la décision du ministre de la Communication qui le démet. Le gouvernement fit la sourde oreille.
Le même sort sera réservé aux membres de l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et de la Poste (Arcep-Bénin). Nouvelle dénonciation de la Cour constitutionnelle. Le gouvernement emploiera la même méthode pour bouter hors de l’administration, et ceci de façon totalement anticonstitutionnelle, plusieurs responsables.
En octobre 2016, le gouvernement livre un chapitre de son scénario de mise à mal des libertés. Le Conseil des ministres du 5 octobre interdit d’activité toutes les associations d’étudiants dans toutes les universités publiques (Décret N°2016-616 du 05 octobre 2016 portant interdiction d’activités des fédérations, unions, associations ou organisations faîtières d’étudiants dans toutes les universités nationales du Bénin). N’eût été le ton éminemment sérieux du secrétaire général de la présidence de la République, Pascal I. Koupaki, qui livrait le compte-rendu du Conseil des ministres, on aurait cru à une mauvaise blague. L’opinion fut frappée de stupeur face à cette décision au 21ème siècle. Plusieurs recours furent déposés à la Cour constitutionnelle dont la décision ne surprit personne. Pour les sept sages, la décision du Conseil des ministres et le décret sont contraires à la Constitution et donc nuls et non avenus. Le président de la République, comme à son habitude, fit la sourde oreille, et refuse de rétablir les étudiants dans leurs droits.
Le viol collectif opéré par le gouvernement sur la loi fondamentale du Bénin n’épargne aucun domaine de la vie publique. Même lorsqu’il s’agit de la charte graphique du gouvernement, le gouvernement a violé la Constitution. La Cour, saisie par un citoyen, a rendu une décision défavorable à la nouvelle charte graphique adoptée par le gouvernement. «La disposition des couleurs nationales telle que présentée sur les documents officiels n’est pas conforme à la Constitution», a-t-elle précisé.
Plusieurs autres cas de violation de la Constitution viendront, au fil des semaines, garnir ce palmarès de la honte.
Le refus du chef de l’Etat d’appliquer les décisions de la Cour Constitutionnelle s’explique par le fait que les institutions de contrôle de la légalité constituent des freins à ses réformes. D’où son mépris vis-à-vis de la Cour Constitutionnelle.

2- Conclusion

De la violation du Code électoral en vigueur relative à la mise en place du COS-LEPI au non respect des décisions de la Cour Constitutionnelle, le président de la République n’a posé aucun acte concret pour «respecter et défendre la Constitution». Il n’a rien fait pour «assurer l'exécution des lois» de la République. Aucune correspondance de sa part n’a été adressée à l’Assemblée Nationale pour la mettre devant ses responsabilités pour ce qui est de la mise en œuvre de la décision relative au COS-LEPI. Aucune adresse non plus au Parlement lors de son discours sur l’état de la Nation alors même qu'il est garant du respect de la Constitution. Bien au contraire, sa majorité parlementaire qu’il contrôle à l’Assemblée Nationale s'est abstenue d'agir. Ses députés du Bloc de la Majorité Parlementaire (BMP) se sont opposés à la Cour Constitutionnelle dans son rôle de régulation. Il s’agit ni plus ni moins d’un coup d’Etat institutionnel. Les autres décisions de la Cour Constitutionnelle su-énumérées n’ont pas été également respectées.
Face à tout ce qui précède, il convient d’affirmer que nous sommes devant un cas de haute trahison. Conformément à l’article 73 de la Constitution, la responsabilité personnelle du président de la République est engagée, car, vu l’article 74 de la Constitution, «le président de la République a violé son serment».
Je vous prie de déclarer que le chef de l’Etat a violé les articles 41, 53, 59, 73, 74 et 114 de la Constitution du 11 décembre 1990 et de le poursuivre pour haute trahison, puisqu’il a manifestement violé son serment.
Telle est, Monsieur le Président, la substance du présent recours en inconstitutionnalité, que j’ai l’honneur de soumettre à votre haute appréciation.

 

ALIDOU Adamou

 Note : Cliquer ici pour télécharger l'intégralité du texte de recours

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