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VOTE DE LA LOI PORTANT RETRAIT DU DROIT DE GREVE A LA SANTE, LA JUSTICE ET LA SECURITE, LE PARLEMENT ENTRE VIOLATION DE LA CONSTITUTION ET REPRESSION DES LIBERTES
A peine l’Assemblée nationale a violé publiquement le 21 décembre 2017, la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 sur le Conseil d’Orientation et de Supervision de la Liste Electorale Permanente Informatisée (COS-LEPI) que les députés ont enchaîné avec une autre violation de la constitution par le retrait du droit de grève aux agents de la santé, de la justice et de la sécurité.
Intervenue subrepticement le 28 décembre 2017, la décision de l’Assemblée nationale soulève une équation de cohérence législative et politique.
SUR LE DEFAUT DE COHERENCE TECHNIQUE
Dans plusieurs décisions, la Cour constitutionnelle a rétorqué diverses lois votées par l’Assemblée nationale. Par ces décisions, elle reproche fondamentalement aux députés la violation de la sécurité juridique, principe à valeur constitutionnelle. Les lois concernées sont :
-la loi sur les collaborateurs externes,
-le code des marchés publics,
-la loi sur l’embauche.
Pour corriger cette situation et rendre plus intelligibles les lois qu’il vote, la Cour constitutionnelle a prescrit au parlement d’éviter de saucissonner dans différentes lois, les questions relatives à la même matière. Curieusement, à l’occasion de se conformer à la décision de la Cour constitutionnelle sur la loi relative aux collaborateurs externes qu’elle devrait simplement incorporer au statut général de la fonction publique, l’Assemblée nationale n’a pas résisté à la tentation de violer le principe de la sécurité juridique en consacrant à nouveau un dépeçage législatif.
En effet, le droit de grève étant régi par la loi n°2001-09 du 21 juin 2002 portant exercice du droit de grève en République du Bénin, la cohérence législative impose pour retirer ce droit à une corporation d’agents publics d’avoir le reflexe de modifier ladite loi. Procéder autrement emporte l’instauration d’une insécurité juridique.
Mieux, en retirant à nouveau le droit de grève aux agents de sécurité qui n’en bénéficient plus, le législateur a commis un doublon normatif nuisible, preuve de son hostilité à la jouissance de ce droit.
Pire, en réintégrant les magistrats et les greffiers sous l’empire du statut général de la fonction publique, le législateur semble ne pas prendre en compte l’article 1er de la loi n°2015-18 portant statut général de la fonction publique qu’il a récemment votée. L’alinéa 3 dudit article dispose que le présent statut ne «s’applique ni aux magistrats, ni au personnel des forces de sécurité publique et assimilées, ni au personnel parlementaire, ni aux fonctionnaires dont les statuts sont fixés par les lois spéciales.»
En clair, le statut spécial, à ne pas confondre avec le statut particulier, étant une dérogation au statut général, ce dernier ne peut s’appliquer au statut spécial. La modification opérée par l’Assemblée viole de ce fait l’article 1er, al.3 sus-cité.
En dehors de la violation de la loi relative à l’exercice du droit de grève et du statut général de la fonction publique, l’Assemblée nationale semble ignorer les dispositions de l’article 31 de la constitution du 11 décembre 1990. Ledit article dispose clairement que «L'Etat reconnaît et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement, soit collectivement ou par l'action syndicale. Le droit de grève s'exerce dans les conditions définies par la loi.»
Il en résulte qu’en tant que liberté, le droit de grève est consacré par la constitution. Le législateur ne peut qu’en encadrer la jouissance. En clair, la loi ne peut pas interdire un droit consacré par la constitution.
Curieusement, au Bénin la réglementation se confond avec la suppression. Paradoxalement, lorsque la loi prive les travailleurs de cette arme efficace à toute épreuve, elle ne leur offre souvent pas d’autres alternatives pour la défense de leurs intérêts. Il s’agit en clair d’une privation de droit et d’un diktat inadmissible dans une démocratie.
Or l’histoire du Bénin enseigne que sans l’action syndicale, le renouveau démocratique dont certains usent et abusent n’aurait pas vu le jour. Pour mieux montrer l’utilité de la grève, il convient de rappeler que sans la force syndicale, le juge Angelo HOUSSOU, après les ordonnances de non lieu du 17 mai 2013, aurait subi les pires atrocités sans aucune réaction. C’est insulter l’histoire que de profiter de cette décision et de réprimer l’arme par laquelle son auteur a été sauvé.
L’histoire d’un peuple est son meilleur repère, et lorsque l’action politique s’en éloigne, elle multiplie et enchaîne des décisions peu cohérentes.
SUR LE DEFICIT DE COHERENCE POLITIQUE
L’action politique, pour être crédible, doit être cohérente. En 2014, l’Assemblée nationale avait en vain tenté de retirer le droit de grève aux magistrats. A l’époque, les magistrats avaient été massivement soutenus par ceux qui ont suscité et voté le droit de grève aux secteurs de la santé, de la justice et de la sécurité. C’est peut être la politique. Mais une politique, qui ne s’accommode pas de cohérence et du respect des lois de la République, ne peut être porteuse de progrès.
En fait de vote, il s’agit en réalité d’un cadeau de nouvel an offert par le parlement au gouvernement en difficulté à respecter les engagements qu’il a pris à l’effet d’obtenir la suspension de la grève déclenchée par les agents du secteur de la santé et de la justice. Visiblement incapable de tenir parole alors que le moratoire qu’il a obtenu menace d’expirer, le gouvernement a préféré négocier avec la majorité parlementaire à l’effet de retirer avec brutalité et rage le droit de grève aux partenaires sociaux qui lui ont pourtant fait confiance.
C’est une véritable ruse qui appelle une réplique syndicale au diapason de l’affront.
La menace des libertés est un danger pour la démocratie.
Seule la lutte paie,
Rien ne vaut la lutte.
Michel Adjaka