COMITE CULTUREL POUR LA DEMOCRATIE AU BENIN (C.C.D.B.) SECTION FRANCAISE DE L’ODHP-BENIN Membre de la Convention Patriotique des Forces de Gauche Mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Site: www.ccdb-benin.org |
HOMMAGE A MOHAMED ALI
Il était une des plus grandes figures sportives du XXe siècle. Il était "the Greatest". Il a été aimé, adoré, admiré, jalousé, redouté,…. Il n'était ni un dieu ni un ange ni un saint. Il avait une aura, pas une auréole. Il était arrogant, séduisant, provoquant, impressionnant, extravagant, méprisant parfois aussi. Il était un mélange inimitable de grâce, d'insolence, d'intelligence et de ruse avait écrit à son sujet, Joyce Carol Oates, la grande femme de lettres américaine. Mohamed Ali était tout cela et bien d'autres choses encore. Il était un boxeur de légende, aussi, mais c'est bien plus qu'un boxeur qui vient de disparaître. Et c'est justement pour cette raison que le CCDB ( Comité Culturel pour la Démocratie au Bénin ) lui réserve ces feuillets en guise d'hommage.
Le vendredi 3 juin 2016, s'étaignait à Phoenix l'une des figures les plus extravagantes et talentueuses de l'histoire du sport. Né Cassius Marcellus Clay Jr à Louisville le 17 janvier 1942, Mohamed Ali est sûrement l'un des boxeurs les plus flamboyants de sa génération.
La disparition de l'ancien champion du monde de boxe, en son temps un symbole de protestation et de résistance, a déclenché dans l'eschtablishment politique, le déferlement extraordinaire d'hypocrisie dans les louanges, une réaction inévitable et instinctive de s'approprier son héritage pour ses propres besoins cyniques.
Ali fut un grand atlète mais, on peut raisonnablement dire que c'est surtout par son opposition courageuse à la guerre du Vietnam qu'il a laissé sa marque sur l'histoire et la conscience populaire. Après avoir battu le champion du monde poids lourds Liston en février 1964, à l'âge de 22 ans, le boxeur s'est aligné sur l'organisation nationaliste noire "Nation de l'Islam" et a changé son nom en Mohamed Ali. Il a défendu son titre à plusieurs reprises avant d'annoncer en 1966 qu'il ne servirait pas dans l'armée américaine et refuse un an plus tard d'être enrôlé dans les forces armées.
Il expliqua à l'époque, rapporté par DavidWalsh: " Ma conscience ne me laisse pas aller tirer sur mon frère, ou des personnes pauvres qui ont faim dans la boue, pour la grande et puissante Amérique. Et les tuer pourquoi? Ils ne m'ont jamais traité de nègre, ils ne m'ont jamais lynché, et ils n'ont jamais lâché les chiens sur moi, il ne m'ont pas privé de ma nationalité, violé et tué ma mère et mon père…leur tirer dessus pourquoi?...Comment est-ce que je peux tirer sur ces pauvres gens; mettez-moi donc en prison! "
Sa licence de boxe lui fut immédiatement retirée et il fut déchu de son titre et fut partout vilipendé par les journalistes sportifs.
Ali fut condamné à cinq ans de prison lors d'un procès en juin 1967
Pendant quatre ans, alors qu'il était au sommet de sa force physique et que son affaire poursuit son chemin devant les tribunaux, il fut incapable de discuter des matches. La Cour suprême des Etats-Unis a finalement rejeté sa condamnation en 1971. Pendant sa suspension, il a fait des tournées dans le pays, parlant contre la guerre du Vietnam et sur d'autres questions sociales dans des centaines d'universités. Ali allait tetrouver sa licence de boxe et récupérer son titre de poids lourds, le perdant par la suite sur le ring, puis le regagnant pour une troisième fois, un record.
La haine contre Cassius-Ali, substantivée par le déferlement de fureur lorsqu'il refusa de partir au Vietnam et se retrouva en prison, n'avait pas pour cause sa couleur de peau mais parce qu'il n'était pas le "le bon Noir" prêt à s'sintégrer dans le système; il fallait l'entendre insulter son adversaire Sonny Liston, Noir également mais plus modéré, de "sale nègre" et de "house slave" (nom donné aux esclaves collaborant avec leurs maîtres ) commente Philippe Grasset. D'ailleurs nombres de libéraux- progressistes blancs/noirs autant que les conservateurs-interventionnistes le dénonçaient dans ce qui était jugé par eux si excessif dans sa critique.
La décision d'Ali, de rejoindre la Nation de l'Islam écrit David Walsh, ne parle pas en faveur de sa perspicacité, mais il faut la considérer dans le contexte de la vie politique américaine officielle qui venait seulement d'émerger des profondeurs de l'anti-communisme maccarthyste, et n'avait rien à proposer. Les couches les plus opprimées de la populatuion cherchaient une forme ou une autre d'opposition viable.
Il n'y a bien sûr aucune raison d'idéaliser le boxeur ou de rendre ses idées plus cohérentes ou progressistes qu'elles ne l'étaient. Ali était idéologiquement confus; en 2005, il avait été suffisamment domestiqué ou usé par l'âge et la maladie pour accepter une médaille présidentielle de la Liberté de la part d'un criminel de guerre invétéré comme Georges W Bush.
Néanmoins, au début de 1966, alors que l'opposition à la guerre du Vietnam n'était pas encore un phénomène de masse aux Etats-Unis, la position d'Ali était principielle et fut une inspiratuion. Elle a certainement contribué à la désafection du public et l'a encouragé. Au moment où il refusait d'être incorporé, ( 28 avril 1967 ), des manifestations de protestation de centaines de milliers de paersonnes avaient lieu à New York et ailleurs, dont celle du 15 avril la même année où a parlé Martin Luther King Jr.
Soutenir la position d'Ali à l'époque, c'était soutenir l'opposition. Il était devenu une figure publique à une époque où l'hostilité au statu quo était une réalité populaire de masse. Aux Etats-Unis, au milieu des années 1960, Newark, Detroit, Los Angeles et d'autres grandes villes étaient en flammes. La fin de la décennie a vu le mouvement anti-guerre du Vietnam et des protestations sur tous les campus universitaires. De grandes grèves nationales et des combats entre les travailleurs américains et la piolice étaient un phénomène quotidien. Sur le plan international, les dictatures haïes tombèrent en Grèce, en Espagne et au Portugal. La crise mondiale atteignit son apogée potentiellement révolutionnaire avec la grande grève générale de mai/juin 1968 en France, à laquelle ont participé dix millions de personnes.
Mort après une longue maladie qui fit de lui l'ombre pathétique de lui-même et qui permit au système à son insu de le récupérer avant même que ne vienne l'ombre de la mort, Cassius-Ali était l'archétype virulent du "révolté" au contraire du Noir émancipé-système, et devenu plus tard, malheureusement, le stéréotype du "révolté" trahi par son destin.
Paix à son âme que la maladie avait emprisonnée depuis bien trop longtemps.
Paris le 13 juin 2016
La direction du CCDB