ÉCHO DE LA DIASPORA BÉNINOISE NUMÉRO 10 DU 15 AVRIL 2025
ÉDITORIAL
Pour une nouvelle conférence nationale, seul remède à la crise qui frappe le Bénin
Le Bénin traverse une crise profonde et multidimensionnelle. Face à cette situation, seule une véritable assise nationale populaire peut permettre de débattre, sans filtre, des enjeux du pays et des aspirations de toutes couches sociales en lutte. Il est temps de redéfinir ensemble les bases d’un nouveau vivre-ensemble.
L’appel lancé le 25 mars 2025 par Laurent Mètongnon, coordonnateur du Front Patriotique, va dans ce sens. Cette initiative est non seulement légitime, mais elle devient urgente et vitale. L’heure n’est plus aux diagnostics passifs, mais à l’action collective.
Cependant, attention aux erreurs du passé.
Dans une tribune récente, Honoré Lokossa critique les propositions de l’ex juge de la CRIET, Essowè Batamoussi, et appelle à ne pas répéter les erreurs de 1990. L’impunité pour les crimes politiques, économiques et de sang, notamment sous le régime de Patrice Talon, ne doit plus être tolérée.
Pendant ce temps, les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) poursuivent leur inexorable marche vers la pleine souveraineté en claquant la porte de la francophonie, symbole d’influence et de domination française persistante. Leur démarche incarne la quête d’indépendance, de dignité et de liberté.
Le peuple béninois doit lui aussi prendre son destin en main et exiger la tenue d’une nouvelle conférence nationale.
La Rédaction
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ACTUALITÉ POLITIQUE
APPEL DE LAURENT MÈTONGNON
Quel appel voulez-vous lancer aujourd'hui au peuple béninois ?
.... Depuis le 17 août 2024 une résolution au forum des Comités du Front avait été prise pour les assises nationales.
Mon appel à l'endroit des filles et fils de ce pays, c'est qu'on se lève et préparer cette conférence nationale ; le front le prépare déjà. Alors les comités qui sont mis dans les arrondissements, dans les villages, dans les communes s'activent et que chacun dans sa commune ou dans sa localité prépare déjà la conférence nationale.
Et dans la préparation au niveau de chaque comité dans les villages, dans les communes et dans les arrondissements, nous devons exiger la libération des détenus politiques, le retour des exilés politiques, la fin des poursuites des agriculteurs, des sojaculteurs. Nous devons demander dans ces comités, dans le cadre de cette préparation la fin de toute poursuite des citoyens qui se réunissent pour des meetings.
C'est impératif aujourd'hui que les fils de notre peuple se retrouvent pour pouvoir discuter sérieusement des problèmes de notre pays. Donc l'appel, c'est aujourd'hui et tout de suite que le peuple se lève et qu'on mette ensemble une commission et préparer cette conférence nationale et qu'on y aille pour pouvoir revoir notre vivre ensemble.
Le Front Patriotique appelle à préparer la nouvelle conférence nationale.
Dans une interview le 25 mars 2025, le coordonnateur général du Front Patriotique, Laurent Mètongnon, a lancé un appel à la préparation d’une nouvelle Conférence nationale, devenue incontournable face à l’aggravation de la crise multiforme et multidimensionnelle au Bénin. Cette exigence populaire se heurte à l’hostilité du régime autocratique de Patrice Talon, qui nie la réalité de la crise tout en organisant des mises en scène de propagande pour divertir et détourner l’attention.
La crise est multidimensionnelle
Pourtant, la crise est profonde et multiforme. Elle est :
• sociale, avec la faim endémique, le chômage massif, la ruine de l’école, la multiplication des impôts et taxes injustes et iniques, l’insécurité généralisée, la répression contre les paysans producteurs de soja et de cajou et la jeunesse patriotique combattante;
• politique, avec la répression, les exils forcés, les détentions politiques, un système électoral verrouillé, le système partisan en échec, les boycotts électoraux massifs et la présence rejetée de troupes étrangères, surtout françaises sur le territoire national;
• morale, avec un rejet massif du système actuel, vécu comme une trahison de la souveraineté nationale, frustrations ethniques grandissantes, sentiment d’humiliation nationale, peur d’un avenir en déchéance
• institutionnelle, avec la vassalisation de toutes les institutions de la République, des affaires de coup d’État au plus haut sommet de l’État.
Une nouvelle conférence nationale est appelée
Face à cette situation explosive, une nouvelle Conférence nationale s’impose comme la seule voie pour restaurer la souveraineté, la dignité et un vivre-ensemble équitable. Contrairement aux appels au « dialogue » ou aux Assises Nationales « au Sommet » lancés par certains acteurs politiques, qui excluent la base populaire et évitent de remettre en cause les rapports néocoloniaux, les nouvelles Assises nationales doivent rassembler toutes les couches combattantes du peuple. Ce qui n’est pas le cas d’un Dialogue et d’une Assise Nationale au Sommet qui s’en distinguent par le fond et la forme.
Un dialogue organisé par le pouvoir exclut la base populaire et repose toujours sur des accords implicites avec le système autocratique au service de la FrançAfrique. Les expériences passées (Bénin 2019, autres pays africains) l’ont prouvé : ces dialogues servent à maquiller la crise, pas à la résoudre.
Un devoir collectif et patriotique
Il s’agit maintenant de s’organiser dans tous les secteurs pour préparer ces Assises, dans une lutte collective pour éviter l’effondrement national et mettre enfin le pays sur de bons rails de développement libre et indépendant.
Préparer les Assises, c’est :
• S’engager dans des luttes locales autour des problèmes concrets dans le pays et dans la diaspora ;
• Se mobiliser pour débattre de la souveraineté, pour la dignité du peuple, la démocratie et la liberté ;
• Prévenir l’effondrement national par le patriotisme.
C’est la tâche de l’heure !/
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Préparer la Conférence nationale, c’est débattre sans tabou
Débattre de tout, sans détour. Identifier les sujets clés de notre nouveau vivre-ensemble et les confronter aux réalités du pays. C’est cela, préparer véritablement la Conférence nationale que beaucoup appellent de leurs vœux.
Cette Conférence ne devra pas être une répétition de celle de 1990. Elle doit être populaire, patriotique, et tournée vers l’avenir. Sa réussite dépendra d’un ancrage réel dans les préoccupations des populations de l’intérieur et de la diaspora. C’est ce que rappelle le Front Patriotique, par la voix de son coordonnateur, Laurent Mètongnon : chaque couche sociale doit faire entendre sa voix, ses souffrances, ses solutions.
Les débats publics font partie de cette dynamique. Et la tribune de Kodjo Honoré Lokossa Kplohungbé ci-après en est un bel exemple. Elle répond à la sortie de l’ex juge Essowè Batamoussi, tout en soulevant une question brûlante : peut-on, au nom d’une paix supposée, proposer un sauf-conduit aux auteurs de crimes économiques et politiques ?
Honoré Lokossa K. répond clairement non. Et invite au débat. Car le silence, les sous-entendus, les malentendus et la ruse préparent toujours le lit à l’impunité.
Sa tribune est une contribution forte, franche, sans faux-semblants.
À lire. À discuter. À partager.
Le débat commence maintenant.
La Rédaction
NB. Le 12 avril 2025, alors que nous mettons sous presse, M. Essowè BATAMOUSSI a publié sur les réseaux sociaux SA “Réponse à Monsieur Kodjo Honoré Lokossa Kplohungbé”. Cette réponse sera publiée dans le prochain numéro # 11 du journal, le 1er mai prochain
Opinion de Honoré Lokossa à propos des propositions du juge E. Batamoussi sur les « assises nationales »
La nécessité d’une nouvelle Conférence nationale, comme seule voie de sortie de l’impasse politique dans laquelle le régime de Patrice Talon a plongé le Bénin, est aujourd’hui largement reconnue au sein des différentes couches sociales du pays. Cette dynamique entre progressivement dans une phase de préparation concrète. Seuls Patrice Talon et ses proches persistent dans le déni de toute crise, s’opposant farouchement à cette perspective salvatrice.
C’est dans ce contexte que le juge Essowé Batamoussi a récemment publié sur les réseaux sociaux une série de propositions en faveur d’"assises nationales". Après avoir fait un état des lieux de la situation préoccupante du pays, il a conclu, à juste titre, que « Cet état des lieux met en lumière les défis actuels, les raisons impérieuses de la tenue d'une assise nationale et les bénéfices attendus pour l'ensemble des acteurs politiques, y compris le président de la République. »
Dans une tribune intitulée «UNE NOUVELLE CONFÉRENCE NATIONALE : UNE NÉCESSITÉ POUR LE BÉNIN », publiée dans le n°8 du journal "ÉCHO DE LA DIASPORA BÉNINOISE" en date du 15 mars 2025, je rappelais l’existence de deux camps bien distincts à propos de cette question :
• Ceux qui souhaitent revenir aux conclusions de la Conférence nationale de 1990,
• Et ceux qui prônent un bilan critique pour éviter la répétition des mêmes erreurs.
Je soulignais également combien il est aujourd’hui inconcevable qu’un Béninois puisse revendiquer une amnistie pour Patrice Talon, compte tenu des crimes politiques et économiques commis contre le peuple béninois.
Et à propos de ce dernier, le contenu des réflexions du juge Batamoussi est particulièrement préoccupant pour l’avenir du peuple béninois.
Qui est le juge Essowè BATAMOUSSI?
Il était magistrat à la CRIET (Cour de Répression des infractions économiques et terroristes). Il a reconnu publiquement que les juges de la cour sont aux ordres, que les décisions sont prises directement à la chancellerie. Il a dénoncé les pressions du pouvoir politique et l’absence d’indépendance de la cour. Craignant pour sa sécurité, il a dû fuir le Bénin avec sa famille pour se réfugier en France. C’est donc une victime de l’arbitraire du régime autocratique de Patrice Talon qui fait des propositions pour une Assise Nationale qu’il confond maintes fois à un dialogue national.
Le juge propose ainsi à Patrice Talon :
« Une initiative de dialogue national renforcerait l'image du président en tant que leader soucieux de l'intérêt général et garant de l'unité nationale. »
Mais le plus inquiétant reste cette déclaration :
« Il marquera l'histoire comme un dirigeant ayant favorisé la démocratie et la réconciliation nationale. Bénéficier d'une immunité renforcée : une protection institutionnelle pourrait être garantie pour prévenir d'éventuelles poursuites après son mandat. »
Commentaires
Ces propos soulèvent de nombreuses interrogations et appellent, de notre part, les remarques suivantes :
1- Ambiguïté du positionnement du juge
Il est difficile de situer le juge Batamoussi dans l’un des deux camps précités. Tout porte à croire que l’une des principales préoccupations est de protéger Patrice Talon, de le réhabiliter politiquement en le présentant comme un démocrate, et surtout de lui garantir l’impunité. Un tel empressement à servir le pouvoir en place interroge : que cache ce zèle ? Quelle est la véritable motivation derrière ce plaidoyer pour l’oubli ?
2- Silence sur le peuple et la souveraineté
Nulle part dans ses propositions, le juge ne mentionne le peuple - pourtant principal concerné par ces Assises. Ainsi, pour lui, même les bénéfices attendus sont « pour l’ensemble des acteurs politiques, y compris le président de la République ». La souveraineté nationale, pourtant indispensable à toute politique véritablement émancipatrice est ignorée.
Pour lui, l’Assise nationale se résume à un dialogue entre le président, quelques acteurs politiques, et une "société civile" bien triée, excluant de fait les représentants des couches populaires combattantes. C’est une conception profondément technocratique et élitiste d’un processus qui devrait être populaire et souverain.
3- De l’impunité
Accorder une « immunité renforcée », donc une impunité à Talon, c’est nous ramener au plus grave des péchés de la conférence nationale de 1990 avec l’immunité personnelle donnée à Kérékou. C’est accepter de passer, une fois encore, en pertes et profits les crimes politiques et économiques en garantissant l’impunité aux responsables de la gestion de biens publics. C’est encore une fois falsifier l’Histoire en présentant un dictateur autocrate comme « un dirigeant ayant favorisé la démocratie ».
À ce rythme, "on ne vaincra jamais la fatalité". Cela est inadmissible et doit être évité pour l’intérêt supérieur de la patrie.
Il est troublant de voir une victime du régime autocratique se transformer en protecteur du système qui l’a broyée et contrainte à l’exil.
Conclusion
Les propositions du juge Batamoussi, en ce qui concerne le contenu des prochaines Assises nationales sont à mille lieues des aspirations profondes du peuple béninois. Elles doivent être dénoncées et combattues. Il est inacceptable de promouvoir l’impunité en garantissant à ceux qui gèrent les affaires publiques qu’ils ne seront jamais tenus responsables des crimes ou abus commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Plus que jamais, la tâche essentielle du moment est la préparation rigoureuse d’une nouvelle Conférence nationale souveraine, tout en restant vigilant face aux tentatives de diversion et de recyclage du système autocratique. Il s’agit d’éviter les erreurs du passé et de poser les bases d’un pouvoir véritablement démocratique et patriotique au Bénin.
Paris, le 08 avril 2025
Kodjo Honoré Lokossa Kplohungbé
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LA FRANCOPHONIE EN QUESTION
L'Hydre qui étouffe les langues et les cultures des néo colonies françaises d’Afrique subsaharienne et des territoires d’Outremer toujours sous tutelle coloniale française
La Francophonie se présente comme un espace de partage culturel, mais elle reste avant tout un instrument d’influence de la France dans le monde et surtout de domination de ses anciennes colonies et des territoires d’Outremer encore sous sa tutelle coloniale. Loin de promouvoir la diversité linguistique dans ces pays et territoires, la France impose le français comme langue officielle, reléguant les langues nationales à un statut inférieur et contribuant à l'effacement des identités culturelles africaines et des territoires d’Outremer.
Cette hiérarchisation linguistique a laissé une empreinte durable, créant des complexes d'infériorité chez les populations dominées face à la langue du colonisateur.
L'imposition d'une langue unique
Contrairement à l'empire colonial britannique, qui a permis une certaine coexistence des langues locales, la France a toujours adopté une politique centralisatrice, imposant le français comme seule langue d'administration, d'éducation et de culture. Ce phénomène est particulièrement visible dans toutes les anciennes colonies françaises d’Afrique subsaharienne, où, après l'indépendance, les tentatives de promouvoir les langues nationales de ces pays dans les domaines publics ont été freinées par de fortes pressions françaises. Les élites de ces pays, formées dans un système valorisant le français, ont continué de défendre cette langue au détriment de leurs propres langues.
L'entrave à l'alphabétisation en langues nationales
Les initiatives d'alphabétisation dans les langues maternelles nationales des colonies ont été largement ignorées, avec des financements dérisoires par rapport à ceux alloués à la promotion du français. Les premiers intellectuels et militants ayant tenté d'introduire l'enseignement dans les langues maternelles ont souvent été méprisés voire réprimés. La France a ainsi maintenu le français comme la seule langue d'ascension sociale, marginalisant les langues africaines et les réduisant à un usage limité à la sphère domestique ou folklorique.
Souveraineté linguistique : Un pas vers le développement véritable
Le véritable développement d'un pays passe par son émancipation linguistique. De fait, il est communément établi et reconnu que le plein développement d’un peuple ne se fait que dans sa propre langue comme vecteur de transmission des savoirs et des valeurs.
La décision des pays de l'Alliance des États du Sahel (AES), de se retirer de la Francophonie, outre les raisons politiques mises en avant, marque, dans ce sens, un tournant décisif. Le Niger vient ainsi de reconnaître onze langues nationales, avec le Haoussa comme langue officielle de travail et d'administration.
Revendiquer ses langues nationales ne signifie pas rejeter l’apprentissage des autres langues du monde. La connaissance des langues étrangères est indispensable pour mieux comprendre les autres peuples et leurs histoires. Toutefois, contrairement à d'autres régions du monde, l'Afrique a longtemps été exclue de cette dynamique de diversité linguistique, ce qui a contribué à l’asphyxie de ses cultures et a bloqué son développement véritable.
La Francophonie est un outil de domination qui empêche les peuples africains de recouvrer leur pleine souveraineté linguistique. Les pays comme ceux de l’AES qui s’affranchissent de cet outil et qui, comme le Niger, reconnaissent leurs propres langues nationales comme langue officielles, d’administration, d’éducation et de culture posent un acte hautement patriotique à saluer.
C’est la voie à suivre par le Bénin et l'Afrique pour retrouver sa culture, son identité et son indépendance véritable./
Fin